06/09/2019

SI LA VIE EST UNE LONGUE CHUTE, LE TOUT EST DE SAVOIR TOMBER… par Mira TFAILY, journaliste à l’orient du Jour ( Liban)
Valérie Pharès signe en juin 2016 son premier roman, «Un Homme heureux dort bien la nuit», aux éditions de la Revue phénicienne. Elle y décrit la quête d’un homme d’affaires mégalomane et cruel qui a vendu son âme au diable et qui, afin de donner un sens à son existence, décide de la reconquérir.
Il y a les impatients qui passent leur semaine à attendre le week-end, leur année à attendre l’été, leur vie à attendre le bonheur. Les fidèles qui vénèrent dans les temples open space de la Défense, à Paris, leur religion à quatre piliers: métro-boulot-apéro-dodo. Les rapaces qui ne savent plus s’ils sombrent éperdus dans leurs dossiers pour payer leurs escapades au soleil ou pour oublier leur quotidien d’insatisfaits chroniques. Les acteurs en costume trois pièces gris clair qui passent leur vie à ajuster leur masque, à la recherche de quelqu’un qui saurait voir au travers. Il y a les joueurs fébriles qui gagnent leur vie à défaut de la réussir, et tous ceux qui savent que la seule perfection de leur existence médiocre résidera dans l’ambiguïté de leur suicide.
Antoine Fuchs, protagoniste du roman de Valérie Pharès, Un Homme heureux dort bien la nuit, est de tous ceux-là. L’auteure dessine un homme d’affaires qui ne s’arrête de courir que pour jouir de son empire orgasmique en fermant les paupières sur le naufrage de sa vie personnelle. Cet insomniaque maniaque à l’ego mégalo court après sa vie au lieu de la vivre, incapable et terrifié d’être heureux, saoul de fièvre et d’excès.
Ivresse et migraine
L’homme pressé à l’âme noircie de désirs frénétiques remet tout en question lorsqu’il est victime d’un accident de voiture et fait la rencontre d’une femme dont il tombe éperdument amoureux sans jamais pouvoir la posséder.
L’auteure, Valérie Pharès, Franco-Libanaise et avocate de formation, décrit sa quête vers un bonheur qu’il ne parvient pas à saisir, et invite le lecteur à dépasser ses angoisses en vivant ses rêves au lieu de rêver sa vie. Ce roman de développement personnel est prévisible mais reste attachant ; son style simple et cru a le mérite de dépeindre avec une cruauté délectable une vie effrénée dans laquelle chacun peut se reconnaître. Le Faust de Valérie Pharès a vendu son âme contre des apparences qui s’écaillent sur les fenêtres de son hôtel particulier de Neuilly-sur-Seine ; son histoire parlera à tous les Icare qui se sont grillé les ailes en s’élevant trop près du soleil ; aux contemplatifs qui ne supportent plus de passer leur petite vie dans de grandes boîtes, et à toutes les ombres qui brûlent leur existence par les deux bouts, à coups d’expressos et de Marlboro, et se consument lentement.