Parce qu’à l’âge de 42 ans, j’ai eu l’audace de croire que je pouvais construire mon futur en m’appuyant sur la pratique du « best possible self », j’ai choisi d’en étudier les bénéfices et les nuances dans un mémoire de psychologie positive.
La psychologie positive est une branche de la psychologie traditionnelle. Elle s’intéresse au « comment » plutôt qu’au « pourquoi ». Elle propose de nombreuses solutions pratiques permettant d’activer nos ressources pour faire face aux épreuves de la vie et améliorer nos capacités de résilience autant que nos performances.
Dans cette perspective, certaines des recherches menées ces vingt dernières années, ont montré qu’il est possible d’apporter dans nos vies des changements à long terme avec une solution étonnamment simple : revisiter ou réécrire les histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes et sur ce qui se passe dans nos vies. (Timothy D. Wilson, Ph.D. de l’Université de Virginie)
Depuis lors, de nombreux chercheurs ont mis l’accent sur ce concept, et validé que des exercices très simples peuvent avoir un impact positif et durable sur l’humeur, l’espoir, la mise en perspective, l’optimisme et le niveau de bien-être.
L’un de ces exercices s’appelle « best possible self » (BPS), ou le « meilleur soi possible ». Il a été développé en 2001, par le professeur Laura A. King.
Avant d’être un mémoire, cet article est cependant une histoire. Une histoire de résilience, d’optimisme et de courage. Alors, pour vous permettre de comprendre le contexte dans lequel j’ai expérimenté la pratique du « best possible self », il me faut poser les bases de cette histoire. Car si l’on peut se réinventer et construire un futur, ce n’est qu’à partir des bases que le hasard de la vie nous donne. Et si j’ai longtemps eu l’impression de tout contrôler et de participer pleinement à la construction de mon destin, en 2009, j’ai pu mesurer à quel point notre capacité d’adaptation jouait un rôle de premier plan.
Cette année-là, le 26 octobre, je cherche à joindre depuis le début de la matinée le père de mes enfants. Nous sommes séparés, mais restés très liés. Je suis inquiète de son silence car il lutte depuis vingt ans contre l’alcoolisme. En début de soirée, je décide de me rendre chez lui. Je le trouve dans son lit, endormi. Comme d’habitude, je me penche vers lui pour le réveiller. Il ne bouge pas. Son corps est glacé. Il venait d’avoir 40 ans.
Ce jour-là, le cœur de nos enfants se fragmente en mille morceaux. Le mien s’embrase comme un feu qui dévaste tout sur son passage. En apparence, je fais face. Dans l’ombre, je suis morte de trouille. Christophe était mon confident, mon frère, mon père, ma seule famille. Il était mon socle. Dans les semaines qui suivent, j’enchaîne les nuits blanches, les idées noires et les crises d’angoisse. Jusqu’à cette nuit de décembre, où j’oublie, Ralph, mon Golden retriever, dans la voiture et mes clés d’appartement sur la porte d’entrée. Le matin, mon médecin me diagnostique la maladie du siècle. Il me prescrit le cocktail habituel : antidépresseurs, anxiolytiques, somnifères. Je refuse cependant d’avaler des psychotropes. Une petite voix me dit que je peux m’en sortir autrement. C’est à ce moment-là que je me tourne vers la psychologie positive, puis vers l’hypnose.
Si vous prenez un moment pour imaginer votre vie dans le futur, à quoi ressemblerait le meilleur vous possible ?
21 Décembre 2009. Cette question est inscrite sur une carte de correspondance blanche. L’écriture est la mienne. Je suis assise par terre, sur le tapis du salon. Les enfants sont sortis. Je viens d’ouvrir une grande boîte en carton, glissée sous la table basse, dans laquelle je garde des notes sur des exercices de psychologie positive. Je relis plusieurs fois la question. Je m’allonge sur le tapis, juste à côté de mon chien. Je ferme les yeux et j’essaie d’imaginer…
Pendant un instant, je me demande si l’exercice est vraiment adapté aux circonstances. Les mots du médecin résonnent : « Vous avez subi un traumatisme. Vous présentez tous les symptômes de la dépression. Vous avez besoin d’aide. » L’image de Christophe, allongé sur son lit, me hante depuis des semaines. Le choc a été violent. La réalité est écrasante. Je me sens seule au monde. Je n’ai pas de travail à ce moment-là. Aucun soutien familial. Je ne me sens pas à la hauteur, pas capable de m’en sortir, pas assez forte pour assumer seule la responsabilité de nos enfants. Entre le sentiment d’injustice et une immense douleur, mes pensées s’entrechoquent.
Pourtant, je garde les yeux fermés et j’oriente mon esprit vers la consigne initiale : A quoi pourrait ressembler ma vie dans le futur si je devenais le meilleur moi possible ?
Ce « meilleur moi » serait bien entendu plus confiant, plus cohérent, plus authentique aussi. Mais je mesure la difficulté de s’imaginer au meilleur de soi et de tracer un chemin quand la peur voile l’horizon. Je me souviens alors de Joseph Campbell, spécialiste des mythologies, lorsqu’il évoque l’importance pour chacun d’entre nous d’avoir des héros comme modèles. Des modèles susceptibles de devenir, dans les périodes les plus sombres de nos vies, des symboles de puissance et des sources d’inspiration.
C’est donc en détourant la question du « best possible self » que s’ouvrent les portes de l’imagination.
Comment serait le « meilleur moi » si j’avais le courage d’Ulysse, la résilience d’Elie Wiesel, Winston Churchill pour mentor et Oprah Winfrey comme modèle ?
Comment serait mon futur si j’acceptais mon chemin, à l’image de Nelson Mandela et si je pouvais rester constamment cohérente et arborer le sourire inaltérable du dalaï-lama ?
Quel sens donnerais-je à ma vie si je me réveillais avec Socrate et m’endormais en écoutant Spinoza ?
A défaut de pouvoir imaginer le « meilleur moi possible », j’imagine ce que feraient, à ma place, toutes les figures héroïques qui m’ont accompagnée jusque-là. J’imagine ce qu’elles me diraient. J’imagine… et je les laisse tracer le chemin pour moi. C’est ainsi que s’ouvrent, derrière mes yeux clos, des perspectives inattendues : nos enfants ont grandi, ils poursuivent leurs études, une maison au bord de l’eau, des chiens, des chevaux… et puis, les séquences se multiplient, comme un film en accéléré, je me vois m’entraîner pour un marathon, relire Spinoza, écrire un livre, serrer la main d’un éditeur, créer des projets, reprendre des études, découvrir Bali, refaire ma vie, m’engager pour la défense de la cause animale… Mon imagination s’emballe. Il me semble être dans un rêve éveillé.
Le soir en m’endormant, je réitère l’exercice, puis le lendemain et le jour d’après.
Sans le savoir, je pratique la visualisation mentale sous auto-hypnose et j’écris la liste de mes rêves pour les dix prochaines années.
C’était en décembre 2009. En quelques années, j’ai commencé à reconstruire ma vie à partir d’une copie presque blanche. J’ai dépassé mes plus grandes peurs, troqué mon sac Chanel et les rooftop parisiens contre un besoin de stabilité émotionnelle, d’épanouissement personnel et d’engagement. J’ai souvent été découragée, j’ai plusieurs fois failli baisser les bras, j’ai connu des échecs, j’ai parfois eu du mal à remplir le frigo et à payer le loyer, j’ai commis des d’erreurs de jugements et des maladresses, j’ai été un très mauvais père, j’ai donné le meilleur en tant que mère. Je ne sais pas si Palton avait raison quand il disait que la victoire sur soi est la plus grande victoire, mais ce que je sais, c’est que rêver et imaginer le meilleur m’a permis de tracer un chemin sur lequel tout me parait possible.
Parce qu’elle a été largement étudiée par les chercheurs et les praticiens, et que c’est l’un des exercices les plus puissants qu’il m’ait été donné d’expérimenter, j’ai donc choisi de faire l’étude de cette pratique dans le cadre de mon mémoire.
Mon intention est, à la fois, d’aborder la pratique du « best possible self » dans sa version originale et d’apporter des nuances pour son efficacité.
En effet, si notre besoin d’accomplissement ou de réalisation nous pousse parfois à découvrir une autre façon d’envisager notre avenir, il est, à mon sens, essentiel de garder à l’esprit que si nous pouvons tous prétendre à devenir la meilleure version de nous-même, cette transformation a au moins deux limites :
- Elle n’est possible qu’à partir des bases sur lesquelles nous partons, c’est à dire à partir de notre histoire, de notre enfance, de notre éducation et de tout ce qui fait que nous sommes uniques dans notre façon de percevoir et d’appréhender le monde… Je rejoins, ici, la philosophie de Spinoza. Si le désir est bien l’essence de l’homme, ce n’est pas une raison pour croire toutes les promesses désirables des gourous ou vendeurs de rêves. Rêver notre meilleur moi, c’est aller chercher notre vraie nature, l’écouter nous raconter le futur et déployer tous les efforts possibles pour l’atteindre.
- Cette transformation a donc un prix. Le prix de l’acceptation, d’efforts, de prises de risque, d’entraînements, d’échecs répétés, de patience, de courage et de persévérance.
Imaginer le meilleur soi possible, oui, mais … à la façon de Charles Pépin, car dans la vraie vie, avant que notre maîtrise culmine dans une forme d’abandon, et nous donne l’occasion d’une joie profonde, il nous faut miser sur l’action, la répétition et chérir l’incertain au lieu d’en avoir peur.
MEMOIRE
Mon analyse porte sur (1) l’intervention du best possible self et ses bénéfices au regard de la science, (2) son champ d’application possible et les nuances à apporter pour son efficacité, (3) son utilisation dans le cadre d’une détermination d’objectif, (4) les bénéfices d’une utilisation de l’intervention sous hypnose.
Cette analyse a été faite dans le cadre d’une démarche d’accompagnement au changement.
Introduction
Le paradigme selon lequel l’homme serait rationnel et aurait un comportement logique, reflet de sa volonté, a ses limites. Si certains de ces comportements sont prédictibles, l’individu est avant tout un être émotionnel et nos émotions influencent nos décisions et nos actions, consciemment et/ou inconsciemment.
De la bonne résolution du 1er janvier au désir d’être un jour la meilleure version de soi-même, nous avons tous fait l’expérience d’un comportement contraire à celui que nous aurions aimé avoir. Vouloir n’est pas toujours synonyme de pouvoir.
Vouloir, c’est imaginer une île. Pouvoir, c’est savoir comment l’atteindre. Dans l’intervalle entre les deux, il est nécessaire d’apprendre à écouter, décoder, intégrer et gérer ce qui se passe sous la surface de l’eau, et notre « inconscient fonctionne en grande partie sous la surface.
La conscience est vraiment juste, tout juste, la pointe de l’iceberg de ce qui se passe dans notre esprit. Et quand nous tentons d’expliquer nos comportements, nous captons probablement un minuscule morceau de cet esprit conscient et des raisons pour lesquelles nous agissons ainsi » (Timothy Wilson- The lab@DC – Story-Editing https://youtu.be/TDae1xigLM0)
Le moment où l’on imagine une île, c’est souvent le moment où le cadre dans lequel nous évoluons nous paraît trop étroit. Nous commençons à ressentir de l’inconfort, de l’insatisfaction, voire une absence de sens. Surgit alors un besoin de changement, une envie de sortir du cadre et, aussitôt, des résistances, des blocages, des « oui, mais… j’ai peur, je ne peux pas… »
Pour débloquer la situation et sortir de l’impasse l’homme a, depuis tout temps, chercher des solutions, allant de la méditation aux drogues, en passant par le yoga, la sophrologie, les antidépresseurs, l’alcool… mais aussi la psychologie positive et l’hypnose.
Là où la psychologie positive s’intéresse au bien-être, au contentement et à la satisfaction (dans le passé) ; à l’espoir et à l’optimisme (pour l’avenir) ; au flow et au bonheur (dans le présent) » (Seligman et Csikszentmihalyi, 2000, p. 5) ; l’hypnose vient stimuler nos ressources inconscientes en « communiquant efficacement [à notre inconscient] des idées qui augmentent sa motivation et changent sa façon de percevoir les choses ». (American Society of Clinical Hypnosis sous la direction de DCH. Métaphores et suggestions hypnotiques. satas. 2004)
Ainsi, ces deux pratiques nous offrent-elles un panel d’interventions pour changer ce qui peut l’être. L’une de ces interventions s’appelle « le meilleur soi possible».
1. L’intervention du « best possible self » (BPS) et ses effets bénéfiques au regard de la science
Dans sa version initiale, le meilleur soi (BPS) est une intervention imaginée par Laura KING, chercheuse à l’Université de Columbia dans le Missouri (2001).
L’activité consiste à se projeter dans l’avenir et d’imaginer une version de soi-même idéale, dans une vie future idéale, avec autant de détails possibles (Sheldon, King, Lyubomirsky) après que tout se soit passé aussi bien que possible.
Les instructions originales utilisées pour l’intervention du BPS sont :
« Pensez à votre vie dans le futur. Imaginez que tout s’est passé aussi bien que possible. Vous avez travaillé dur et vous avez réussi à atteindre tous vos objectifs de vie. Pensez-y comme à la réalisation de tous vos rêves de vie. Maintenant, écrivez ce que vous avez imaginé » (King 2001, p. 801).
Les résultats constatés sur les participants qui ont écrit sur leur « meilleur soi », pendant 20 minutes par jour pendant quatre jours consécutifs ont, comparativement aux participants du groupe témoin (qui ont simplement écrit sur leurs plans pour la journée à venir), révélé un effet positif net accru à la fin de l’intervention, un bien-être accru 4 semaines plus tard et moins de visites chez le médecin 3 mois plus tard. (King 2001- première étude du BPS)
Depuis lors, cet exercice a été repris dans le cadre de plusieurs études (31 études dont 4 616 participants), ayant donné lieu à 30 articles de recherche relatifs à l’intervention du BPS, dont 23 ont été publiés depuis 2010.
Une grande partie de la recherche du BPS se situe dans le domaine de la psychologie positive qui utilise des » techniques scientifiques pour étudier le bien vivre » (Peterson et Park 2003, p. 145).
Je me suis personnellement largement inspiré d’une étude longitudinale menée par L.King, M.Sheldon et S.Lyubomirsky (The Journal of Positive Psychology), pour rédiger ce mémoire et pour construire la séance d’auto-hypnose annexée en fin de document. (Cette séance sera disponible sur l’application d’auto-hypnose Possible à partir de décembre 2019)
L’intervention du BPS est souvent associée à des inductions préalables qui orientent l’imagination dans un sens positif. Ainsi, on demande aux participants d’imaginer leur avenir avec « espoir et optimisme » (Peters et al. 2010) et des études quantitatives ont montré que le BPS augmente le bien-être et la satisfaction de vivre (Lyubomirsky et al. 2011), ainsi que le flow et le bonheur (Layous et al. 2013).
Ces études nous montrent par ailleurs que cette projection dans le futur peut avoir un impact positif important sur notre humeur et notre niveau de satisfaction dans la vie. (Étude de 2009, Sin, N.L& Lyubomirsky parue dans Journal of clinical psychology, 65 (5), 467-487)
La culture occidentale ne nous entraîne pas à réfléchir à nous-même de cette façon, et cela peut même nous sembler simpliste, illusoire ou enfantin… Pourtant, l’ensemble des résultats des études menées sur les personnes qui ont imaginé leur « meilleur futur soi possible » ont démontré les impacts positifs sur :
- L’humeur (de façon très nette- étude de 2009, Sin, N.L& Lyubomirsky)
- L’engagement
- L’augmentation de l’intérêt et du niveau de motivation (Sheldon& Lyubomirski, 2006)
- Le sens de la vie (King 2001- Lyubomirski, Sousa, Dickerhoof 2006)
- Le bien-être, la santé et l’adaptation émotionnelle (de nombreux avantages pour…voir Frattaroli, 2005;Smyth, 1998, pour les revues).
- Les pensées positives et optimistes : un état optimisme d’état accru et un effet positif immédiat accru (Peters et al. 2010).
- L’augmentation des attentes à l’égard de résultats futurs positifs (optimisme) et d’effets positifs (Peters et coll., 2010)
- Le sens de la responsabilité (comparaison faite entre écrire sur les traumas et sur le best self- King 2001)
- Vision de soi sous son meilleur jour
- Bien-être et la satisfaction de vivre (Lyubomirsky et al. 2011)
- Le flow et le bonheur (Layous et al. 2013)
- Reprendre sa vie en main
Au cours de l’exercice de BPS, il a également été observé :
- Une augmentation des niveaux de pleine conscience, ce qui indique peut-être le potentiel du BPS comme outil de pleine conscience (Seear et Vella-Brodrick, 2013).
- Une autoévaluation plus élevée du bien-être deux ans plus tard chez les femmes divorcées (King et Raspin 2004).
- Une augmentation des niveaux de bonheur chez les individus atteints de névrose (Ng 2016).
- Un renforcement de l’estime de soi pour les enfants (expérience faire par le biais du dessin sur des enfants du primaire (Owens et Patterson 2013)
Nous pouvons donc légitimement considérer que l’exercice du BPS est un outil efficace, non seulement pour susciter l’optimisme, (Boselie et al. 2013 ; Hanssen et al. 2013) (Peters et al. 2015), mais aussi pour induire une humeur positive (avec induction sur l’humeur- Renner et al. 2014) même après induction préalable d’un état de douleur (Geschwind et al. 2015).
Des recherches futures pourraient sans doute découvrir que l’activité du BPS a le potentiel d’induire d’autres états positifs et notamment d’être une porte d’entrée efficace vers le changement de comportement.
C’est en tout cas l’avis de Timothy D. Wilson, Psychologue social de l’Université de Virginie, qui considère que revisiter les histoires que nous nous racontons sur nous-mêmes peut conduire à un changement de comportement durable.
Cependant, il est important de préciser que la pratique du meilleur moi possible n’a rien à voir avec une succession d’affirmations positives et que son efficacité n’est pas subordonnée à l’écriture d’un récit.
2. Un cadre et des nuances
Dans l’expérience originale du BPS, les participants ont complété l’activité du BPS en personne, de façon indépendante et ont soumis une réponse manuscrite au chercheur (King 2001). Concernant le récit par écrit, une étude a montré que l’exercice s’est également avéré efficace si les participants parlent plutôt que rédige leur récit. (Harrist et al. 2007). Les participants des deux groupes avaient une humeur plus positive et moins négative et moins de visites dans les centres de santé que les groupes témoins (Harrist et coll., 2007).
Dans le cadre de mon utilisation personnelle de l’intervention, je ne suis pas passée par la phase d’écriture au sens strict d’un récit. J’ai en revanche élaboré et enregistré plusieurs scripts contenant des inductions et des suggestions positives afin d’orienter mon imaginaire vers le meilleur moi possible dans différents domaines (professionnel, personnel, relationnel, créatif…) J’ai écouté ces séances pendant plusieurs semaines, plusieurs fois par jour. Il m’arrivait régulièrement de m’endormir avec. J’ai parfois représenté mes projections sous forme de dessins ou de tableau, mais pas systématiquement.
Cette pratique est devenue un rituel. Elle m’a permis d’enrichir mes visualisations au fil du temps, en étant de plus en plus précise sur les contextes et les émotions positives associées aux réalisations.
Le fait de pouvoir écouter quotidiennement une séance d’auto-hypnose m’a permis une pratique régulière et répétée de l’intervention (quotidiennement pendant plusieurs semaines consécutives).
J’ai personnellement constaté que « me raconter » des histoires stimulantes, engageantes et optimistes sur le futur, a favorisé ma résilience et a facilité la mise en lumière de mes valeurs, de mes priorités, mais aussi des apprentissages nécessaires et des blocages à dépasser. Cet exercice m’a permis de faire des petits pas progressifs sur le chemin du meilleur moi possible. Il a largement contribué à renforcer ma confiance en moi et dans la vie.
Me projeter dans le futur avec une vision de moi plus accomplie, plus confiante, plus heureuse a élargi mes perspectives et favorisé mon engagement sur le long terme dans des activités stimulantes qui avaient du sens et me procuraient un réel plaisir et sentiment d’accomplissement.
Dans le cadre de mes accompagnements, la plupart des personnes que j’ai suivies sur une série de visualisations sous hypnose de leur BPS n’ont pas écrit leur récit. A l’issue de la séance, nous échangeons sur ce qu’elles ont ressenti, sur ce qui leur semble réalisable et ce qui l’est moins, sur les obstacles à dépasser et les éventuels apprentissages à effectuer pour atteindre cette meilleure version d’elles-mêmes.
Je me sers souvent de cette séance comme une porte d’entrée à la détermination d’objectif. Elle me permet notamment de mettre en lumière et/ou d’approfondir les valeurs et le système de valeur de chacun.
Dans le cadre d’expériences portant sur l’administration d’interventions psychologiques positives aux enfants, Owens et Patterson (2013) ont demandé à des enfants d’âge scolaire primaire d’utiliser des dessins pour répondre aux instructions du BPS.
Les enfants du groupe BPS avaient une meilleure estime de soi que ceux du groupe témoin, et les contrôles de manipulation ont confirmé que les enfants étaient capables d’effectuer efficacement l’intervention du BPS en utilisant la méthodologie du dessin (Owens et Patterson 2013).
Aucune étude n’a été menée pour déterminer si le dessin serait une méthode appropriée pour les participants adultes.
Si la perspective d’imaginer le BPS est séduisante, l’hypothèse doit cependant être nuancée et sa mise en pratique encadrée. En effet, il est important de souligner que l’intervention du meilleur soi possible ne consiste pas à tomber dans le piège des affirmations positives inefficaces, voire nuisibles et contreproductives.
Et même si l’homme est capable d’imaginer l’impossible, voire l’absurde, il ne s’agit pas non plus de s’imaginer mannequin de lingerie ou pilote de formule 1 si nous n’avons aucune ressource naturelle pour performer dans ces domaines.
Pourquoi est-il important de différencier l’exercice du meilleur soi possible des affirmations positives ?
Parce que ces affirmations peuvent être contre-productives.
Une étude a ainsi démontré que de telles affirmations peuvent nuire aux personnes pour lesquelles elles ont été conçues : des personnes ayant une faible estime de soi. (Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others- Journal of APS -2008)
Alors même que les injonctions pour « penser positivement » lorsque nous sommes confrontés à un malheur ou une difficulté sont de plus en plus répandues, les résultats actuels suggèrent que, pour certaines personnes, une affirmation de soi positive peut être non seulement inefficace, mais en réalité préjudiciable.
Lorsque les personnes ayant une faible estime de soi répètent la déclaration suivante : « Je suis une personne aimable », ni leurs sentiments envers eux-mêmes, ni leur humeur ne s’est améliorée – ils ont au contraire empiré. (Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others- Journal of APS -2008)
Timothy Wilson, qui s’est penché sur les interventions réellement efficaces dans le domaine du changement de comportement, tire la même conclusion :
« Pour les personnes ayant une faible opinion d’elles-mêmes, dire je suis une personne aimable, leur rappelle toutes les manières dont elles ne sont pas aimables, en les poussant plus loin dans le marasme. »
(https://www.amazon.fr/Redirect-Surprising-Science-Psychological)
Pourquoi est-il également important d’encadrer cette projection pour qu’elle reste réaliste ?
Parce que si le décalage est trop grand entre l’idée de que l’on a de soi et la projection idéale que l’on s’en fait dans le futur, le résultat peut être, comme pour les affirmations positives, contre-productif.
Si la motivation augmente lorsqu’un sujet visualise un objectif atteint parce qu’il croit que cela peut arriver (Pham&Taylor, 1999), il semble essentiel à recadrer la rêverie en veillant à maintenir une cohérence entre vie consciente et vie imaginée, entre ce qui est possible et atteignable et ce qui l’est moins.
A cet égard, comme le souligne le Dr Manuelle Von Strachwitz, psychiatre et psychothérapeute spécialiste de l’hypnose, « Toute bienfaisante qu’elle soit, la rêverie mérite attention. En effet, certains peuvent se retrouver « subjugués » par le pouvoir des images surgissant dans leur esprit…. Ces rêveurs peuvent alors avoir tendance à se réfugier dans cet imaginaire au point de vivre de moins en moins dans la « vraie vie ». Il y a alors un trop grand écart entre vie consciente et vie imaginée… (Interview Le Figaro- Pascale Senk Publié le 19/07/2016)
En faisant surgir des images ou des sensations associées à une autre image de soi, plus positive, plus confiante, plus motivée, la pratique du meilleur moi possible stimule la créativité dans tous les aspects de la vie et permet ainsi d’élargir les perspectives et d’entrevoir des possibilités qui n’auraient peut-être pas été envisagées autrement.
L’objectif de cette intervention, c’est en quelque sorte d’apporter au cerveau une expérience nouvelle, mais une expérience qui doit rester réaliste pour être bénéfique. Imaginer le meilleur soi possible, c’est recréer du choix, des options, de la liberté, en partant du meilleur de ce qui est pour imaginer le meilleur de ce qui pourrait être.
C’est un peu comme changer de partition pour jouer une autre mélodie. Alors que nous utilisons spontanément toujours les mêmes touches du piano et rejouons sans cesse le même refrain, cette intervention du meilleur soi possible nous invite à jouer avec d’autres touches, à tenter d’autres accords, à créer d’autres rythmes, à ressentir d’autres émotions…
Cette pratique s’appuie donc sur le pouvoir de l’imagination, et sans le dire, elle a pour objectif de « mettre la personne dans une disposition d’esprit qui lui permette de changer » (Dct M. Von Strachwitz). Car toute la difficulté du changement, nous l’avons vu, c’est que notre pilote automatique intégré (notre inconscient) aime les habitudes de son cadre de référence. Il a une tendance naturelle à s’installer dans sa zone de confort, aussi peu épanouissante soit-elle parfois. En quelque sorte, nous voulons bien changer, mais dans la continuité !
« La plus grande difficulté, c’est le « oui, mais… » à chaque solution envisagée : «je voudrais arrêter de fumer… oui, mais je suis stressé ».(Dct M. Von Strachwitz).
Parce que le changement implique d’accorder toutes les parties de soi pour qu’elles puissent jouer ensemble une mélodie harmonieuse, l’hypnose peut être un accélérateur de changement. En amenant une personne à être créative, elle peut l’aider à atteindre son île en créant les ajustements nécessaires.
Là où la psychologie positive stimule les ressources d’une personne à un niveau conscient, en mettant en lumière ses forces et ses leviers d’évolution, l’hypnose stimule d’autres ressources à un niveau inconscient, plus en profondeur, pour la faire changer de paradigme, évoluer et progresser vers ce qui est bon pour elle.
L’alliance de la psychologie positive et de l’hypnose, dans la pratique du meilleur soi possible, amène un individu à relativiser complètement ses croyances et ses perspectives de départ en lui donnant une meilleure visibilité.
Ainsi, si une personne fait l’expérience, sous hypnose, de son meilleur soi possible « confiant et impactant » lors d’une prise de parole, par exemple, il en découle des émotions positives et le plus souvent, une autre perception d’elle-même et une autre perspective.
La pratique du meilleur soi possible, sous hypnose, apporte une dimension sensorielle qui implique le corps tout entier. En amenant dans le corps des sensations agréables et positives associées à une certaine image de soi, la personne a le pouvoir de déclencher des mécanismes inconscients, et souvent de nouvelles solutions et possibilités apparaissent.
Plus un changement « imaginaire » est vécu comme s’il était réel, plus nous pouvons nous glisser « dans la peau » du meilleur soi possible et ressentir les effets physiologiques d’une nouvelle posture, et plus nous utilisons notre plasticité cérébrale en créant de nouvelles connexions synaptiques, de nouveaux accords, de nouvelles mélodies …
Dès que l’on fait appel à l’intelligence de notre part inconsciente, nous suggérons au pilote automatique les bénéfices d’un nouveau comportement. Plus nous sommes crédibles dans nos ressentis, plus nous influençons notre niveau de motivation (willpower ou agency- Snyder 2002). Or, la motivation, c’est le levier invisible qui nous fait tenir le cap et atteindre le sommet.
La pratique du BPS combinée à la technique de l’hypnose prend alors tout son sens.
Dès que la partie invisible est en jeu, dès que le pilote automatique est susceptible de s’enclencher, alors l’hypnose est un outil précieux.
Avant de considérer la pratique de l’hypnose, j’aimerais aborder les notions de rêves, d’engagement et d’objectif
3. L’utilisation du BPS dans le cadre d’une détermination d’objectif : Du rêve à l’engagement en passant par le processus
Cet exercice de projection mentale dans le futur, nous le faisons tous intuitivement. Lorsque nous choisissons nos études, notre job, notre conjoint, notre destination de vacances … Nous nous projetons dans la réalisation virtuelle de nos objectifs bien avant d’y être.
Mettre le focus sur l’objectif et le résultat désiré est nécessaire, c’est la partie du rêve. Mais cela n’est pas suffisant. Pour que l’engagement soit efficace et durable, il faut penser au processus.
La pratique du BPS revient en quelque sorte à danser la valse à deux temps de Charles Pépin : Un temps pour le rêve et la stimulation d’émotions positives (optimisme, espoir, bien-être). Un temps pour l’audace et l’engagement (processus d’obtention du résultat, motivation intrinsèque…)
Et bien sûr, nous devons tenir compte des apprentissages et du courage qui seront forcément nécessaires pour atteindre cette meilleure version de soi car la science ne contredit pas le fait qu’« il n’y a pas de bonheur sans courage, ni de vertus sans combat. » (JJ. Rousseau)
Rêver puis s’engager, sans jamais se décourager, c’était le message de Walt Disney :
« Si vous voulez réaliser quelque chose d’extraordinaire, commencez par le rêver, reveillez-vous puis allez d’un trait jusqu’au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. »
Une autre façon d’induire la nécessité d’un effort soutenu, dès lors que notre objectif implique un changement de comportement, un changement d’habitude, une autre façon de penser ou de faire, serait celle de Daniel kahneman : cela va « nécessiter de votre part un effort relatif mais continu. » (D. Kahneman)
Dans tous les cas, pour passer de la vision au résultat, il faut une stratégie et donc passer par un processus.
Se projeter dans une vision du futur en développant une image du meilleur soi possible va donc bien au-delà d’une rêverie, des répétitions d’affirmations positives ou des idées simplistes suggérées par certains ou dans certains livres de développement personnel.
« La principale différence (entre les affirmations positives et le récit d’écriture ou de visualisation du meilleur soi) est que le simple fait de penser à quel point nous sommes merveilleux ne nous donne pas les stratégies pour le devenir. […] En effet, les recherches montrent que les personnes qui se concentrent sur le processus d’obtention d’un résultat souhaité ont plus de chances de le réaliser que celles qui pensent simplement au résultat lui-même. »(2009 Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others- Journal of APS)
Le processus, c’est le plan, la trajectoire, le chemin qui mène à l’objectif. Nous retrouvons la composante opératoire de Snyder (waypowerou pathway- Snyder, 2002), sachant que des buts clairement définis facilitent l’orientation des pensées conscientes vers leur réalisation (Snyder, 2002), et la mesure des progrès accomplis en cours de route. (Emmons,1992)
Se concentrer sur le processus permet aussi de voir ce qui se cache derrière nos objectifs, ce qui nous motive intrinsèquement. Pourquoi désirons-nous ce que nous désirons ? Quelles valeurs nous portent ?
Si Charles De Gaule persévère 25 ans avant de servir la France comme il l’entend, si Nelson Mandela passe vingt-sept ans derrière les barreaux dans des conditions extrêmement difficiles et refuse sa libération pour rester en accord avec ses convictions, n’est-ce pas parce que quelque chose les porte ?
Nos valeurs nous montrent la direction à prendre. Elles sont les boussoles internes qui nous font tenir la distance malgré les résistances. C’est la raison pour laquelle , identifier et respecter nos valeurs, « comprendre comment nos valeurs nous influencent, guidant nos choix, jugements, attitudes, comportements au quotidien, pourra permettre de mieux choisir lesquelles vous voulez privilégier dans chaque circonstance de votre vie. » ( Christine Chataigné- Psychologie des valeurs, 2014).
Cette intervention du meilleur soi possible implique aussi une définition active des objectifs et des priorités, l’élaboration de plans d’action et leur mise en œuvre progressive (Zimbardo & Boyd, 2008).
La clarification des priorités, et donc de notre système de valeurs, est la base de la formulation d’objectifs, elle va permettre de lister ce qu’il y a de plus important à un instant T, ce qui doit donc être pris en compte et respecté.
La formulation d’objectif elle-même va permettre de vérifier sa compatibilité avec le système de valeurs, de pensées, les croyances, les capacités, les ressources…
Une bonne formulation est donc une « S.U.P.E.R » formulation, c’est-à-dire qu’elle est spécifique, unique, positive, écologique, reconnaissable.
Pour la formulation d’objectif, je vous renvoie à mon article : De l’objectif à la réussite, pourquoi formuler un objectif ne suffit pas pour réussir ?
L’élaboration d’un plan d’action et une mise en œuvre progressive permettent de découper l’objectif en déterminant des étapes et en identifiant les ressources et les apprentissages utiles. Cela permettra également de procéder aux ajustements nécessaires en cours de route. L’idée n’est pas de construire un mur en un jour, mais de poser un brique à la fois, de mesurer les progressions, d’analyser les échecs, d’être fier de chacune de nos réussites et de procéder à des ajustements au fil de notre évolution.
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Nous venons de poser le cadre de cette intervention du meilleur soi possible. Avant de transposer cette pratique dans un cadre hypnotique, il me reste à répondre à une question importante : Pour qui cette intervention est plus difficile ?
Comme elle est associée à un retard de gratification, il faut avoir à la capacité de retarder les plaisirs immédiats au profit de la poursuite d’objectifs importants.
Pour certaines personnes, cet engagement à l’égard des plans d’avenir peut être associé à l’anxiété, à la pression du temps et à la frustration en raison de l’incapacité de faire face à l’incertitude et aux défis imprévus (Zaleski, 1996). Elle ne sera donc pas forcément appropriée.
Dès lors que nous essayons une pratique et que nous ne nous sentons pas confortable avec, choisissons simplement autre chose. Nous sommes tous uniques et si la carotte donne bonne mine, certains y sont intolérants ! Là encore, toutes les pratiques sont bonnes en général mais généralement mauvaises pour certains.
A présent, abordons la pratique du meilleur soi possible dans un cadre hypnotique.
4. Les bénéfices d’une utilisation du BPS dans un cadre hypnotique : un voyage multi-sensoriel
Avant toute chose, tentons de définir l’hypnose même si les progrès en imagerie cérébrale et en neurosciences ne permettent pas encore de définir complètement ce qu’elle est.
La définition la plus souvent évoquée est un « état modifié de conscience ». Pour François Roustang, cette notion d’« état » est incorrecte, car trop figée, l’hypnose étant un processus dynamique, une remise en mouvement favorisant le changement (F.Roustang, Qu’est-ce que l’hypnose? les éditions de minuit; 2002)
Pour Milton Erickson, qui a redonné à l’hypnose ses lettres de noblesse, « l’hypnose est la perte de la multiplicité́ des centres d’attention, et ce changement d’état de conscience est caractérisé́ par une absorption sur un centre d’expérience interne, à l’exclusion d’autres stimuli non pertinents. »
(Bellet P. L’Hypnose, Odile Jacob; 2002. p291)
En 2015, l’American Psychological Association (APA) propose une nouvelle définition de l’hypnose comme étant « un état de conscience (consciousness) impliquant une focalisation de l’attention et une diminution de la conscience périphérique (awareness) caractérisé́ par une capacité́ accrue de réponse aux suggestions » (19 Elkins GR, Barabasz AF, Council JR, Spiegel D. Advancing research and practice: the revised APA Division 30 definition of hypnosis. Int J Clin Exp Hypn. 2015;63(1):1-9).
Plus récemment, l’hypnose a pu être définie notamment comme : « Un état de fonctionnement psychologique par lequel un sujet, en relation avec un praticien, fait l’expérience d’un champ de conscience élargi » (21 Bioy A, Célestin-Lhopiteau I, Wood C. Hypnose en 50 notions. In Dunod; 2010.)
Au vu de ces définitions, nous pourrions également envisager l’hypnose comme une force, au sens de la psychologie positive : une fonction naturelle, innée, mais également un potentiel à activer qui fait émerger notre vrai moi, nous rend authentique et qui nous dynamise.
Le suggestions ciblant la problématique viendraient activer ce potentiel par le canal auditif et stimuler l’imagination sur le plan cérébral.
Le terme d’« hypnose » désigne en fait trois types de phénomènes : (Selon le modèle de Gérard Salem)
- L’état hypnotique, ou transe hypnotique, dans lequel est plongé la personne, et qui peut être de profondeur variable. C’est phénomène naturel, physiologique, que nous connaissons et expérimentons tous, plusieurs fois par jour, de façon involontaire, la plupart du temps sans nous en rendre compte.
- La technique utilisée dont les grands axes sont : induction (absorbe le sujet par focalisation via VAKOG), confusion, dissociation (entre conscient-inconscient et corps-esprit pour faire rentrer le sujet dans un état de conscience amplifiée, élargie), et suggestions (directes ou indirectes avec une rhétorique particulière)
- La relation particulière qui s’établit entre le praticien et l’hypnotisé.
Quel est le processus à l’œuvre dans le cerveau dans un état modifié de conscience ?
Dans cet état, il est possible d’agir sur la partie qui nous échappe et de lui « suggérer » un nouveau comportement, une nouvelle vision des choses, des possibilités de sortir des limitations apprises.
Selon Marie-Elisabeth Faymonville, anesthésiste au CHU de liège, dans cet état, le patient fait l’expérience d’un rapport différent à lui-même et à son environnement. Sous hypnose, les réactions aux suggestions sont complètement modifiées. Le patient n’a plus la même capacité d’analyse ou de jugement.
Personnellement, je me représente une séance d’hypnose comme une possibilité de réorganiser mon intérieur. Il y a le cadre donné, du mobilier, des accessoires. Sous hypnose, j’ai le choix des couleurs, des textures, des parfums, de l’ambiance. Je peux changer les meubles de place, optimiser l’espace, favoriser une meilleure circulation, changer la décoration, enlever ce qui gêne, me débarrasser de ce qui ne m’appartient pas ou ne me sert plus… Les suggestions proposent un autre angle de vue, l’état d’hypnose permet d’en accepter certaines, celles qui sont bonnes pour soi.
Les dernières recherches ont permis de comprendre que l’entrée en état hypnotique entraîne notamment une modification de la conscience de soi. En effet, dans cet état la partie du cerveau (cortex cingulaire postérieur) qui gère les pensées intérieures et la rumination mentale est comme détaché du processus cognitif. Les zones très actives sont les zones impliquées dans le contrôle (le cortex préfrontal dorsolatéral), ainsi que la partie qui règle les fonctions corporelles (insula).
« Ce qui explique que l’hypnose aide les gens à contrôler leurs réactions physiques en réponse à des pensées et des facteurs de stress…/ … et que les individus hypnotisés manquent de conscience de soi et font juste ce qu’ils doivent faire sans se préoccuper des implications de ce qu’ils font ou de ce qu’en pensent les autres », détaille encore le Professeur David Spiegel.
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Quel est l’objectif de l’hypnose ?
Il est proche des objectifs de la psychologie positive en ce qu’il cherche une solution possible avec les ressources existantes.
« L’hypnose n’a pas besoin de la recherche de causes pour initier le changement. En hypnose il ne s’agit pas de remonter à la source du problème. Il s’agit plutôt d’aborder le problème tel qu’il est, ici, maintenant, et comment il est ressenti dans le corps » (25Aïm P. Hypnose et arrêt du tabagisme. Aspects théoriques. Résultats d’une étude pilote. Elaboration d’un protocole d’étude. 2009).
Quel est l’intérêt d’associer l’hypnose et à la pratique du BPS axé sur les objectifs ?
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Au cours de ces pratiques, toutes les inductions et suggestions faites aux participants les ont incités à se visualiser comme atteignant leur objectif.
Or, la visualisation augmente la vraisemblance que le comportement se produira (Taylor, Pharm, Rivkin& Armor 1998) et, rendre la visualisation facile à imaginer améliore la crédibilité de l’accomplissement (et peut donc faciliter le dépassement de croyances limitantes).
La visualisation devenant plus facile en utilisant des descriptions concrètes des actions (Hansen&Wanke, 2010) qui correspondent à l’état affectif du sujet (John&Tversky, 1983 ; Risen&Critcher, 2011)
L’hypnose est une pratique privilégiée qui permet cette forme de relation dans laquelle le praticien peut se synchroniser avec cet état affectif et rencontrer le besoin du patient, c’est-à-dire le rencontrer au niveau de sa problématique. Ce que M.H. Erickson appelait : « meet the patient’s need ».
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Sous hypnose, alors même que le sujet semble « ailleurs » ou endormi, son esprit est en pleine action. Il est l’acteur d’une expérience très vive qui emplit totalement sa conscience (Cojan Y, Waber L, Schwartz S, Rossier L, Forster A, Vuilleumier P. The brain under self-control: modulation of inhibitory and monitoring cortical networks during hypnotic paralysis. Neuron. 25 juin 2009 ;62(6):862-75) et son état accru de réceptivité permet de lui « communiquer efficacement des idées qui augmentent sa motivation et changent sa façon de percevoir les choses » (American Society of Clinical Hypnosis sous la direction de DCH. Métaphores et suggestions hypnotiques. Satas. 2004)
Il y a beaucoup de mythe autour de l’hypnose et démystifier l’hypnose n’est pas l’objet de cet article. Mais il est important de souligner que les sujets en état hypnotique ont un total contrôle sur leur comportement, leur identité́, leur localisation réelle et ils garderont, le plus souvent, le souvenir de l’expérience vécue.
Ceux qui répondent à la suggestion de faire le canard, d’arrêter de fumer ou d’être plus confiant, sont d’accord pour le faire. Aucun praticien ne peut faire faire quelque chose qui serait en contradiction avec des valeurs.
L’hypnose n’agit donc pas sur la volonté́ ni l’intentionnalité́ mais sur la prise de conscience de soi.
(Brune É. L’hypnose, le thérapeute et la science [Internet]. Sciences Humaines. [cité 1.01.2017]. Disponible sur: http://www.scienceshumaines.com/l-hypnose-le- therapeute-et-la-science_fr_14723.html)
C’est cette altération de la conscience de soi et de la représentation de l’environnement qui favorisent une expérience subjective différente, dans laquelle le sujet s’autorise à être autrement. Dans cet espace, « hors du cadre », il peut vivre des expériences nouvelles, réaménager son intérieur, favoriser une meilleure circulation et entrevoir des solutions pour atteindre son île.
Déconnecté du monde extérieur et plongé dans son monde intérieur, le sujet se laisse guider par la voix sécurisante du praticien. Celui-ci cadre le voyage hypnotique, il rassure, protège tout en laissant de la place, suggère en ouvrant le champ des possibles, ouvre des portes, offre des choix.
Les mots, prononcés par le praticien, (devenu lui-même un individu rendu presque anonyme) sont vidés de leurs représentations antérieures, « sans regard et sans mimique, sans contexte, (ils) retrouvent la multiplicité́ de leurs sens. Ils sont dissociés de la personne qui les prononce, perdent leur signification liée à l’auteur, (…) et sont vécus peu à peu comme émergeants du monde intérieur. Ils sont appropriés par le patient, comme s’ils venaient de lui-même. » (Aïm P. Hypnose et arrêt du tabagisme. Aspects théoriques. Résultats d’une étude pilote. Elaboration d’un protocole d’étude. 2009)Là où la pratique du BPS utilise l’imagination, l’hypnose apporte une autre dimension.
L’imagination peut nous faire sortir du cadre, mais elle ne change pas l’expérience subjective.
L’état hypnotique, lui, permet de dépasser ce cadre étroit et de se « rapprocher » le plus possible, de simuler au plus près de la réalité, et de faire « comme si ».
Une étude a permis de répondre clairement à la question de la différence entre hypnose et imagination. (Szechtman H, Woody E, Bowers KS, Nahmias C. Where the imaginal appears real: a positron emission tomography study of auditory hallucinations. Proc Natl Acad Sci U S A. 17 févr 1998;95(4):1956-60) : Chez un sujet en hypnose exposé à une suggestion évoquant un stimulus auditif, on observe la même activité́ cérébrale que lorsque le sujet entend réellement le stimulus, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on demande à ce même sujet d’imaginer ce même stimulus auditif. L’activité́ du cortex cingulaire est corrélée avec la clarté́ de la perception du son et la perception de sa provenance comme extérieure au sujet. Par conséquent, l’hypnose semble être plus proche de la « réalité́ » que ne l’est l’imagination (Coppin C. Place des mots dans la pratique de l’hypnose en médecine générale. [St denis (Réunion)]; 2014) et l’aspect distinctif des suggestions hypnotiques par rapport à l’imagerie mentale volontaire pourrait résider principalement dans une altération de la représentation et de la conscience de soi en tant qu’agent responsable des changements dans l’expérience (Aïm P. Hypnose et arrêt du tabagisme. Aspects théoriques. Résultats d’une étude pilote. Elaborationd’un protocole d’étude. 2009).
Pour Vuillemier et Cojan l’intention du sujet est préservée sans inhibition de sa volonté́ d’agir, mais pendant le processus hypnotique les suggestions prennent le contrôle de l’action entrainant un changement de fonctionnement cérébral favorisant les représentations mentales du sujet et l’introspection « comme si l’imagination prenait le contrôle du cerveau et de la perception. » (Cojan Y, Waber L, Schwartz S, Rossier L, Forster A, Vuilleumier P. The brain under self-control: modulation of inhibitory and monitoring cortical networks during hypnotic paralysis. Neuron. 25 juin 2009;62(6):862-75)
En hypnose, nous partons de l’idée que l’individu est dominé par un instinct de survie qui le maintient dans un cadre restreint qui l’empêche d’exploiter pleinement son réservoir de ressources positives. L’hypnose est un moyen d’atteindre ce réservoir, de puiser dans ses propres ressources pour trouver des solutions. Ce réservoir contient sa mémoire, ses apprentissages, ses expériences, ses valeurs, ses croyances pour trouver les clefs de sa propre solution.
Il est important de préciser que l’hypnose n’est pas magique, elle ne crée pas de nouvelles capacités : elle agit en réactivant ou potentialisant les capacités de l’individu déjà̀ existantes, et jusque-là̀ inutilisées car oubliées ou insoupçonnées. S’il y a magie ou magicien, c’est au sujet que ces attributs reviennent. Jamais au praticien.
L’hypnose pourrait contourner certaines variables modérant l’efficacité de la pratique du BPS, notamment la motivation à effectuer l’intervention et la répétition de l’exécution ( Sheldon&Lyubomiski, 2006).
Ce qui a été mon expérience personnelle puisque les séances d’autohypnose m’ont permis de faire de cette pratique un rituel et de la dupliquer dans des domaines aussi variés que la prise de parole en public, l’écriture d’un roman, l’entraînement pour un marathon, la création de Possible… Je n’aurais jamais eu l’audace de m’engager dans de tels projets sans « conditionner » mon cerveau à croire que je pouvais y arriver malgré tous les obstacles apparents et mes peurs inconscientes.
Comment se projeter dans le meilleur soi possible de façon efficace si nous n’allons pas vérifier que nous pouvons dépasser certaines croyances limitantes ? Comment se projeter dans le meilleur soi possible de façon efficace si nous n’allons pas écouter ce que dit notre corps et ce qu’il est prêt à négocier – ou pas ?
« L’inconscient fonctionne en grande partie sous la surface. La conscience est vraiment juste, tout juste, la pointe de l’iceberg de ce qui se passe dans notre esprit. Et quand nous tentons d’expliquer nos comportements, nous captons probablement un minuscule morceau de cet esprit conscient et des raisons pour lesquelles nous agissons ainsi » ( Timothé Wilson- The lab@DC – Story-Editing https://youtu.be/TDae1xigLM0)
L’état d’hypnose est un moyen de mieux comprendre ce qui se passe sous la surface et de procéder aux ajustements nécessaires pour atteindre notre île. Nos émotions jouent leur propre mélodie sous la surface de l’eau, ce sont elles qui nous font couler, rebondir ou trouver la bonne posture. Avoir la possibilité d’explorer notre espace intérieur, en utilisant tous nos trésors cachés pour dessiner une image de soi positive en laquelle nous pouvons complètement nous identifier, c’est nous offrir la possibilité de changer notre réalité.
Et les recherches sur la visualisation ont montré que les personnes qui peuvent s’imaginer accomplir des tâches sont souvent mieux à même de les accomplir (par exemple, Pham et Taylor, 1999; Ruvolo et Markus, 1992; Sherman, Skov, Hervitz et Stock, 1981).
Je conclurais sur ces mots du Dr Manuelle Von Strachwitz :
Nous vivons la plupart du temps avec un moi conscient très présent. Mais il est important pour notre équilibre d’avoir accès à notre intériorité, de nourrir un dialogue entre notre inconscient et notre conscient et de pouvoir être dans le mouvement de la vie et de changer. L’état d’hypnose ou de rêverie induite, avec ce moi lointain et une dissociation modérée, amène la personne à vivre différemment sa réalité. Elle entraîne une mise en mouvement, comme lorsque vous laissez un enfant s’ennuyer : au bout d’un certain temps, il « lâche intérieurement », et va se mettre à un nouveau jeu… Il devient créatif.
Copyright ©2019 par Valérie Pharès
Ce mémoire fait partie d’un livre en cours de publication. Si vous souhaitez utiliser certains extraits, je vous remercie de mentionner le lien de cet article en référence.
Références et Sources
King, L. A. (2001). The health benefits of writing about life goals. Personality and Social Psychology Bulletin, 27, 798–807.
(The Best Possible Selves Intervention: A Review of the Literature to Evaluate Efficacy and Guide Future Research – Paula M Loveday•Geoff P Lovell•Christian M Jones- Ó Springer Science+Business Media Dordrecht 2016)
(“The Journal of Positive Psychology, April 2006; 1(2): 73–82 How to increase and sustain positive emotion”)
Positive Self-Statements: Power for Some, Peril for Others- Journal of APS -2008
The Effect of Mental Simulation on Goal-Directed Performance Shelley E. Taylor, Lien B. PhamFirst Published June 1, 1999 Research Article – https://doi.org/10.2190/VG7L-T6HK-264H-7XJY
Sonja Lyubomirsky, Laura King, Ed Diener (2005/11)- The benefits of frequent positive affect: does happiness lead to success ? Psychological bulletin APA -Volume 131 – N°6 – P803
https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0033-2909.131.6.803
Une autre version de cette intervention est d’écrire régulièrement sur cette vision dans un journal, en s’imaginant de façon vivante dans le meilleur avenir possible, pendant plusieurs semaines. ( Le meilleur journal intime possible- Lyubomirsky, 2008)
Professor Timothy D Wilson et Professor Grover Gardner | 17 août 2011- https://www.amazon.fr/Redirect-Surprising-Science-Psychological-Change/
Marine Pougeon. Utilisation de l’hypnose conversationnelle pour l’aide au sevrage tabagique en médecine générale : étude prospective sur 58 patients. Médecine humaine et pathologie. 2017. dumas- 01580414
Cerveau humain : un fonctionnement et des capacités hors du commun-Les secrets de l’hypnose se dévoilent par Damien Mascret – 22/05/2018 à 18:34 Publié le 08/08/2016 à 10:32- http://sante.lefigaro.fr/actualite/2016/08/08/25277-secrets-lhypnose-se-devoilent( Citation du Professeur D. SPIEGEL)